Le milieu souterrain karstique
On a l'habitude de restreindre le milieu souterrain aux cavernes,
parfois au réseau de fissures du karst ou aux mines anciennes. On réduit,
en fait, à une vision très restrictive et anthropomorphique
ce milieu parmi les plus riches et les plus étendus. Dans le cas présent,
nous considérons le milieu souterrain karstique, constitué de
vides pénétrables par l’homme (grottes, gouffres, parcourus
ou non par de l’eau souterraine), associés à des vides
de beaucoup plus petites dimensions susceptibles de laisser circuler l’eau,
l’air et les animaux inféodés à ce milieu.
Le milieu souterrain karstique est un milieu naturel, par
opposition aux mines et souterrains constituant un milieu artificiel. Il possède
des caractères spécifiques différents de ceux des milieux
superficiels.
De ce fait, le milieu souterrain karstique s’il est
étudié, aménagé ou protégé, doit
l’être selon des démarches distinctes de celles mises en
œuvre en surface et qui soient adaptées à ses caractéristiques.
Ses caractéristiques
- Le milieu souterrain karstique est soumis à des
échanges limités de matière et d’énergie
avec l’extérieur.
- Il est soumis à des variations de température
et d’humidité de l’air très réduites comparées
à celles de l’extérieur.
- Les apports d’eau (infiltration), de chaleur et
de matière organique au milieu souterrain karstique sont déterminés
par la nature de la surface. L’épaisseur et la nature des sols,
l’état de l’épikarst (les premiers mètres
de roche sous les sols et le couvert végétal conditionnent
en partie ce qui se passe dans la partie souterraine.
- Dans ses parties où l’eau circule (rivières
souterraines, conduits et cavités noyés), les variations de
température, de niveau de l’eau et de débit peuvent
être importantes.
- Il ne reçoit pas de lumière et ne fournit
donc pas de production primaire à la base de la chaîne alimentaire.
- Les êtres vivants qui le peuplent sont de petite
taille, représentés surtout par des insectes, pour les terrestres,
et par des crustacés, pour les aquatiques. Ils sont pour la plupart
adaptés au milieu souterrain.
- En France, il n’existe pas de vertébrés
spécifiques du milieu souterrain. Cependant, le milieu souterrain
peut servir à certains vertébrés d’habitat occasionnel
ou habituel (chauves-souris).
- Le milieu souterrain karstique renferme des dépôts
sédimentaires, des dépôts chimiques (concrétionnements
minéraux), des restes animaux et humains et des témoignages
archéologiques variés.
Ses conséquences
- Le milieu souterrain ne se renouvelle pas à
l'échelle humaine : à la différence du milieu
naturel extérieur où la végétation se renouvelle
chaque année moyennant des conditions de vie minimales, le milieu
souterrain préserve un patrimoine qui ne se constitue que très
lentement au cours des millénaires (croissance des concrétions,
vestiges historiques ou préhistoriques, etc...).
- Le milieu souterrain est “un milieu conservateur”,
en raison de la constance des paramètres climatiques ; c'est-à-dire
qu'il conserve de façon quasi indéfinie aussi bien des vestiges
de nos lointains ancêtres (art pariétal, foyer...), ou de l'ère
tertiaire et quaternaire (phosphorites, ours des cavernes...) que la pollution
de l'homme moderne : ordures, dégradations, graffitis, etc... Le
milieu souterrain devrait être considéré comme un musée
du temps.
- Le milieu souterrain est limité
: à la différence des autres milieux naturels, le milieu souterrain
pénétrable par l'homme est très limité. Le visiteur
doit emprunter les passages obligés que sont les galeries, les salles,
les puits, etc...concentrant dans ces espaces toute la pollution due à
sa présence que ce soit de façon directe (traces de pas, casse
des concrétions...) ou indirecte (effet de son métabolisme).
La présence de l’homme dans le milieu souterrain modifie donc
toujours plus ou moins ce milieu (accroissement de température, d’humidité,
de gaz carbonique, présence de lumière, etc.)
- Le milieu souterrain est peu connu : à
la différence des autres milieux naturels où l'ensemble du
domaine est accessible à l'homme, le milieu souterrain est difficile
d'accès et seule une infime partie, de l'ordre de 1 % est pénétrable
directement par l'intermédiaire des grottes, des gouffres. De ce
fait, seule une petite partie du karst souterrain est connu directement.
- Le milieu souterrain recèle une faune largement
méconnue, excepté dans des régions très
limitées où des études systématiques ont permis
de découvrir des espèces, des genres et même des familles
nouvelles. L'étude de la faune inféodée au milieu souterrain
est donc loin d'être terminée. De plus il faut noter que la
présence d'espèces souvent endémiques rend plus complexe
l’étude des animaux peuplant le milieu souterrain.
- Le milieu souterrain karstique recèle des concrétions
minérales parfois rares, voire uniques n'ayant souvent pas
fait l'objet d'études. En outre, les concrétions de grottes
constituent actuellement un objet d’étude très important
pour la reconstitution de l’évolution des climats passés
sur les continents.
- Le milieu souterrain est fragile : la
sur-exploitation des grottes touristiques met en péril la conservation
du patrimoine qui s'y trouvait à l'abri. L'exemple de la grotte de
Lascaux est là pour nous le rappeler. Le dérangement des sites
d'hibernation ou de reproduction de chauves-souris est gravement préjudiciable
à la conservation de ces espèces.
- La conservation du milieu souterrain est intimement
liée à ce qui se passe en surface. Les travaux de
déboisements, de boisements, de génie civil (imperméabilisation,
destruction de la couverture sédimentaire ou pédologique,
destruction de l’épikarst), modifient les conditions environnementales
qui règnent à la surface du karst, et de ce fait peuvent avoir
des conséquences importantes en profondeur sur le débit et
la chimie des eaux d'infiltration, les teneurs en gaz carbonique et les
variations de température. Ces paramètres influent directement
sur la conservation de ce patrimoine, par exemple en favorisant la dissolution
de la roche et des concrétions présentes, ou au contraire
la précipitation de carbonates.
Texte élaboré par Michel
Bakalowicz, HydroSciences Montpellier